mardi 29 juillet 2014

Vermont 100 solo, ou comment sortir de son tunnel

C'était ma troisième participation en trois ans aux 100 milles du Vermont, cette course bien ancrée dans la tradition des ultras aux États-Unis.  J'ai déjà raconté avec moult détails mes expériences de 2012 et 2013, alors j'essaierai de ne pas me répéter!

J'en suis bien conscient: je suis privilégié d'avoir gardé la santé pour pouvoir la courir de nouveau, cette course, et même de pouvoir viser une amélioration de temps.  La météo estivale fut favorable cette année (il a fait moins chaud et moins humide qu'en 2013), j'avais un bon volume d'entrainement dans les jambes (3800km en 2013 et plus de 2200km dans les 6 premiers mois de 2014), avec un bon affûtage dans les deux semaines précédent ce grand défi.

Au delà du volume, j'ai du 'vécu' de la dernière année pour me sentir en confiance, et mieux connaître mes limites:
- les 100 milles de Virgil Crest complétés en 26h46 en septembre 2013, l'épreuve la plus difficile à mon actif à ce jour: quatrième sur 19 finissants, et sur 66 partants!
- deux ultras sur route 'pour le plaisir' : en novembre le Trans Montréal (60km) et en décembre le Frozen Ass du Mont Royal (60km aussi);
- entrainement marathon 'sérieux' de début janvier à début mai avec mon entraineur Dorys et le groupe d'entrainement, focalisé sur l'amélioration de mes performances et de ma VMA, en combinant volume, structure et intervalles;
- marathon de Toronto le 4 mai réussi en 2:58:55, un premier 'sub-3' et probablement ma meilleure réalisation athlétique en carrière;
- trois semaines plus tard (24 mai), la course XTrail de Sutton de 20km (1500m D+) solidement en 2h30, encore signe de ma meilleure forme comparativement aux deux années précédentes;
- 1er juin: 50 milles de Cayuga en 9h46, autre défi costaud dans l'état de NY;
- 14 juin: 44km trail -- la nouvelle course Estrie25, avec des sentiers complexes et très boueux;
- 27 juin: Ultimate XC à St-Donat de nuit, 45km sentiers + 10km route et... mon premier DNF (abandon) alors que l'objectif était un aller-retour totalisant 120km de sentiers difficiles.  Un abandon oui, mais avec évitement calculé de bobos aux pieds, et une expérience formatrice pour mieux comprendre le fonctionnement de mon cerveau en course, et anticiper certains facteurs qui peuvent me démotiver.

Retour au Vermont donc, je m'y suis rendu cette année sans équipe de soutien ni accompagnateur de course (ou pacer dans notre jargon).  D'une part, mon épouse et mes parents m'ont déjà beaucoup aidé dans les deux années passées, je les en remercie encore; d'autre part je me sentais maintenant d'attaque pour affronter ce monstre en mode solo, pour ajouter au défi.  L'organisation du VT100 a d'ailleurs innové et créé une reconnaissance spéciale 'solo' cette année pour les coureurs qui s'inscrivaient sans équipe ni pacer, ce qui est une excellente idée à mon avis.

Cette année je suis arrivé avec trois objectifs:
1- Finir la course, et avec le sourire;
2- Éviter les grosses blessures;
3- Passer sous la barre des vingt heures (environ 1h30 d'amélioration sur mes temps de 2012 et 2013).  Comme la course commence à 4h du matin, cela veut dire finir avant minuit... donc techniquement, à l'intérieur de la même journée!

J'ai fait le trajet le vendredi avec mes amis Pat H. et Philippe L. , un vrai plaisir.  Arrivés tôt dans l'après-midi à Silver Hill Meadow, un grand pré qui tient lieu de QG, nous avons procédé à l'enregistrement et au contrôle médical, avec pesée de référence. Ensuite j'ai monté ma tente au camping du site (un peu plus loin dans le même pré), puis le briefing au coureurs, le souper de pré-course sous la grande tente avec plusieurs amis coureurs donc Joan, Pat G. et Nicolas, tout s'est bien passé et fut fort agréable.

Dans l'attente de garnir mon assiette au généreux buffet, je parle entre autres avec Dan D., qui vient comme chaque année généreusement s'impliquer comme bénévole dans la course du VT100, en particulier pour le montage, le démontage et la gestion du grand ravitaillement-carrefour de Camp 10 Bear -- un ultra bénévole, quoi.  Dan est un passionné (excessif?) des ultras et des défis de fou, il en a couru plusieurs et est maintenant connu chez nous comme directeur de course d'un de nos grands rendez-vous québécois, l'Ultimate XC.  Un personnage plus grand que nature, quoi.  Alors il a toujours tout plein d'histoires à raconter!  Nous parlons entre autres de balisage de sentiers, et il nous raconte à ce moment comment il a fini par comprendre la psychologie du coureur d'ultras en action, qui avec la fatigue finit souvent par courir avec des ornières; c'est le phénomène de la vision tunnel, ce qui peut amener ledit coureur à dévier du trajet balisé, malgré toutes les indications qu'on peut placer sur son chemin.  Je m'identifie très bien à ce phénomène: il m'est arrivé tout récemment aux courses Cayuga 50 et Estrie 25 de me perdre en ne regardant pas où il fallait, après avoir rétréci mon champ de vision et diminué mon attention aux détails et à certaines balises pourtant bien placées.  Et à bien y réfléchir... cela m'est arrivé dans plein d'autres courses.

La petite veillée de camping avec Nicolas et sa troupe, Joan et sa famille, Pat G. et Michel C. fut fort agréable, décontractée, d'ailleurs je ne me suis pas privé de savourer une bière blanche. Vers 9h30 bonne nuit tout le monde, j'ai été préparer mes petites affaires de course sous la tente.  Comme d'habitude, cette nuit d'avant course est trop courte et beaucoup trop légère -- avec mon niveau d'adrénaline déjà relevé, je n'arrive jamais à tomber dans les bras de Morphée, mais j'essaie au moins de me reposer et de relaxer; il n'y a vraiment aucun truc pour m'inquiéter avec l'expérience et la préparation dont je bénéficie.

Lever à 2h45; je mange quelques fruits et m'habille, et vers 3h20, hop vers la grande tente, près du départ, pour retrouver la douzaine de compagnons d'armes du Québec -- une délégation de calibre relevé cette année, avec notamment Sébastien et Joan. Café, bagel, on fraternise.  Lampe à la taille, guêtres, chaussures Saucony Peregrine 4 avec une pointure de plus cette année pour éviter les ampoules aux orteils, montre ordinaire sans GPS, et pas de sac à dos pour moi cette année, j'ai choisi l'approche 'train léger'.  Ai-je tout?  Oups, ma bouteille d'eau! Ok j'ai juste le temps, il me reste 15 minutes avant le départ pour regagner ma tente au petit trot, la retrouver et même en profiter pour me soulager à une cabine -- maintenant libre vu que tous les coureurs sont descendus.  Voilà qui est fort opportun!  Je reviens à temps pour m'insérer à la meute du départ, et là je suis fin prêt.

En ce magnifique samedi qui commence, le départ des 100 milles est donc donné par la directrice de course Julia à 4 heures pile.  Toujours un moment pétillant, ces 300 frontales qui s'élancent dans la nuit.  Dès le premier mille, je ne peux m'empêcher de faire comme l'an passé et de prendre les devants avec une cadence un peu trop rapide, pour m'éviter les petits bouchons des premiers milles.  Ce faisant, je pars de facto tout à fait 'solo', vu que les rapides Sébastien et Joan sont déjà bien devant dans le groupe de tête, alors que mes autres amis québécois sont derrière moi.   La température est parfaite, je me sens super bien.  Dans la première heure je fais brièvement connaissance avec Tim du New Hampshire et Bob de Rhode Island, nous formons une sorte de mini-groupe de poursuivants au peloton de tête.  Une fois que la lumière du jour arrive je cours seul de nouveau, prêt à courir ainsi pour la majorité de la distance, et prêt à affronter mon pire ennemi: moi-même, et mes pensées négatives.  La route est roulante, belle et j'avance rapidement, atteignant même la treizième place au ravitaillement de Taftsville Bridge à 15,4 milles, juste passé le superbe pont couvert qui vient d'être restauré, en 2 heures 15 minutes.

Photo: Far North

Les premières montées sérieuses commencent et il faut que j'ajuste l'effort pour garder un bon contrôle sur mon cardio; je me fais alors dépasser par quelques forts coureurs, tout à fait logique.  Je rejoint le premier grand ravitaillement à 21 milles, Pretty House où j'ai laissé un sac pour pouvoir y déposer ma frontale.  J'avale quelques fruits et repars de sitôt.  Cette année, je me suis aussi promis de diminuer mon temps moyen par ravito, ce qui devrait me redonner entre 30 et 60 minutes sur les 29 ravitos de la course.

Les jambes sont bonnes, tout va bien sauf... le haut de mon pied gauche, qui à partir des milles 25-28 m'envoie des signaux de douleur, suggérant un lacet trop serré.  Je choisis d'attendre, en espérant que ça va se tasser.  Autour du mille 28, après le premier beau sommet avec point de vue et les premières descentes que je sens dans les jambes, je manque un virage à droite pourtant bien indiqué (maudite vision de tunnel!) et continue 500m sur le chemin devant qui me semblait naturel, avant de constater mon erreur et rebrousser chemin.  Voilà donc 1km en bonus... youpi.  Mais ce n'est pas si grave, allez Pierre et je retrouve mon chemin au moment où la super coureuse (et prochaine directrice de la course) Amy Rusiecki passe avec un autre coureur.  J'arrive donc juste derrière eux au grand ravito de Stage Road (30 milles), et bien que je ne tarde pas en avalant melons et verres de soda, il disparaissent devant, ils sont plus forts et je ne les reverrai plus jusqu'à l'arrivée.

Le segment suivant de 17 milles contient de très longues côtes montantes et est éprouvant, je m'en souviens suffisamment bien de l'an passé.  Je l'attaque avec détermination, tout en sachant que je me ferai rattraper et dépasser par plusieurs coureurs, particulièrement dans les montées, ce qui ne m'énerve pas -- je mène ma course.

Des côtes à profusion... totalisant plus de 14000 pieds, ou 4200 mètres.

Comme la douleur à mon pied gauche ne veut pas se calmer, je m'arrête quelques instants pour desserrer les lacets de soulier.  Pas de chance, ça ne semble rien changer.  Allez Pierre, on continue en surveillant l'évolution de cette douleur, de plus en plus préoccupante.

J'arrive enfin au grouillant ravitaillement de Camp 10 Bear, où je retrouve plusieurs amis québécois pour m'accueillir et m'encourager.  C'est aussi la première pesée de contrôle: j'ai perdu 4 livres, soit 2,5% de mon poids.  C'est beaucoup mieux qu'au même point l'an passé, où j'avais perdu 8 livres et me sentait très faible.

Cette année, j'ai appris de cet épisode de déshydratation sévère, je prends maintenant 2 capsules de sel par heure et bois beaucoup et cela fait une bonne différence... mais j'ai déjà une certaine fatigue cumulée que le médecin d'expérience Hank détecte, alors par prudence il me demande de bien manger et m'hydrater avant de me donne son feu vert, 7-8 minutes plus tard.  Évidemment plusieurs coureurs me passent, mais encore là, c'est chacun sa course.  Je peux donc repartir avant midi et quart -- excellent selon mon plan de progression pour finir sous les 20 heures.  Allez Pierre, courage.

Dans le segment suivant jusqu'au ravito Pinky's (51), je fais connaissance avec un coureur d'origine japonaise, Yuichiro.  Nous n'avons pas beaucoup d'affinités, mais sa compagnie aide à passer ce segment difficile de milieu de course.  Après Pinky's, je cours seul pendant plusieurs milles jusqu'au  ravito Seven Seas (59), et je fais ensuite une autre connaissance en avançant à la marche dans les grosses côtes: Megan, une jeune coureuse qui sait très bien exploiter la marche rapide à son avantage (elle finira d'ailleurs largement devant moi).  Je rattrappe ensuite Steeve P. , un sympathique québécois qui fait le 100km avec un excellent moral, même si ses jambes le limitent à marcher.  Nous arrivons à Margaritaville, je réussis à manger un demi-burger et à boire un petit verre de margarita, comme je me l'étais promis depuis le début :)  C'est une exception pour moi qui m'en tient sinon aux fruits et sodas à tous les ravitos.

Je repars de nouveau seul, en ayant bien en tête les deux prochains segments qui me ramèneront à Camp 10 Bear.  Le dessus de mon pied gauche reste très douloureux et je desserre de nouveau le lacet, sans amélioration... mais je me suis fait une raison, tant que je peux gérer la douleur, je continue et je cours aussi souvent que possible.  Je suis particulièrement content de mon rythme dans la longue descente des milles 66 à 69.

Arrivée à Camp 10 Bear (70 milles) et nouvelle pesée: aille, j'ai perdu une autre tranche de 4 livres en 22 milles, pour un total de 8 livres perdues depuis mon poids de référence, soit 5%.  Pourtant je bois bien et mange à chaque ravito, et je prend mes capsules d'électrolytes... ce qui veut dire que je perds vraiment beaucoup en sueur.  Le médecin de garde c'est le 'nouveau', il est moins rigide que Hank (celui qui m'avait gardé sous surveillance la fois précédente) et il prête attention aux autres signes, dont la vigueur dans mes yeux.  Comme il remarque mon niveau d'énergie et mon envie de continuer, il me demande simplement de bien manger et boire, prend mon pouls et me laisse partir avec un sourire encourageant.  Trop content d'avoir mon laisser-passer, je suis ses instructions, en profite pour parler un peu aux amis québécois et puis repars comme une balle.  Mais 600 mètres plus loin, je remarque que j'ai gardé le même t-shirt trempé qui frotte et commence à me causer des irritations derrière les épaules.  Zut me dis-je, j'avais un t-shirt sec et propre qui m'attendait au ravito et j'ai oublié de le prendre... et tout de suite après, je me dis re-zut, j'ai aussi oublié de prendre ma lampe frontale, c'est encore bien plus important!!!  Je rebrousse chemin, et voilà encore un mille excédentaire... dur sur le moral, mais je me raisonne, le pire est évité.  Je croise Yuichiro et il me demande pourquoi je vais en sens inverse.  Ma réponse lui fait réaliser qu'il a lui aussi oublié sa frontale!!  Il m'en remercie et nous revenons au ravito tous les deux pour récupérer nos précieuses frontales.  Cette mésaventure s'est donc traduite en au moins 10-15 minutes de perte de temps, voilà ce que coûte la 'vision tunnel' à un pauvre coureur solo qui n'a pas d'équipe de soutien -- contrairement aux années précédentes!

Je repars pour de bon vers l'avant (mais avec quelques places perdues) avec mon t-shirt frais, ma lampe frontale et une petite lampe à main de réserve.  Je sais mesurer ce qu'il me reste à traverser -- à commencer par une grosse montée en sentier de plus d'un mille-- ces 30 milles et les difficultés qu'ils contiennent, et je me sens prêt.  J'aime aussi ce défi de me battre avec moi-même, et de devoir constamment me parler, me contrôler.  Désormais, mon vecteur principal de motivation est de continuer à viser une arrivée avant minuit.  Et comme j'aime bien les calculs mentaux, je ne cesse de faire des divisions et multiplications pour estimer la moyenne de minutes au mille et de minutes au km qu'il me faut respecter pour y arriver.  Et là... un doute s'installe.  Parce qu'entre un scénario optimiste à 13 minutes/mille et un scénario pessimiste à 15 minutes/mille, ça passe ou ça casse!  Voilà donc l'outil qui permettra au Pierre compétitif (et optimiste) de prendre le dessus sur le Pierre fatigué ( et pessimiste) qui veut se la couler douce et simplement marcher.

Certains des segments qui suivent sont loooongs entre les ravitos, mais je m'encourage en pensant qu'il fait encore clair et que cela m'aide à avancer plus vite.   J'essaie aussi de comparer quelle heure il était quand je passais certaines balises, l'an passé alors que je courais avec le grand Benoit B, et où nous étions rendus lorsque le soleil se couchait.   Et je m'encourage encore plus en me disant que j'ai entre 1h30 et 2 heures d'avance sur ma course de l'an passé que j'avais terminée à 1h32 du matin!

Pendant les milles 82-88, je trouve un nouvel élément de motivation, en faisant connaissance avec un coureur californien: Andy.  Il est trappu, parle peu mais est sympathique, déterminé et inspirant.  Il m'apprend qu'il a beaucoup de courses ultras et de 100 milles à son actif, et que cette année il relève un défi appelé: The Last Great Race...  c'est à dire qu'il enfile une série de 6 courses de 100 milles en été, soit les quatre du Grand Slam, plus deux autres courses historiques, intercalées parmi les 4 premières!!!  Résumé ici .  Quelle ambition gargantuesque, quelle force!  Je le questionne sur sa passion de la course ultra, sur ses trucs de motivation, etc. et j'aime bien ses réponses, courtes et solides.  Voilà le type de coureur qu'il me fallait rencontrer à ce moment précis.

Voilà aussi qui m'aide à arriver dans de bonnes dispositions au dernier grand ravitaillement, Bills situé à 88 milles, alors que la nuit est tombée et que nous avançons avec nos frontales depuis un ou deux milles.  J'entre dans la grange de Bill's vers 21h08, et effectue ma dernière pesée: 1 livre de reprise sur les 18 derniers milles, yesss.   Je suis reçu chaleureusement par des amis québécois bénévoles dont Marie-Pierre et Fred, leur bonne humeur est contagieuse.  Un petit bouillon, les délicieuses petites pommes de terre rissolées (je complimente à ce sujet le cook, et il est ravi), et hop je repars vite, il est 21h15.

Il me reste donc un budget de 2:45 pour boucler 12 milles, il me faut donc maintenir ma moyenne de 13 minutes par milles ou mieux pour arriver avant minuit!  Et il reste encore des sentiers un peu plus techniques, de bonnes côtes, et il  fait très noir... j'ai toujours un doute sur mes chances, mais je m'accroche.  Mon pied gauche me fait encore mal, mais la douleur se mêle à toutes les autres dans les jambes, alors tout est relatif!  Andy est reparti avant moi et j'ai tôt fait de le rattraper, comme sa vision nocturne est moins bonne que la mienne.  Nous ne nous parlons plus mais nous aidons quand même encore.

Je suis dans ma bulle du dernier droit, et comme dans mes trois autres courses de 100 milles complétées, c'est un moment magique.   On dirait qu'à cette étape, même si mon corps souffre intensément comme ceux de tous les autres coureurs, mon cerveau a convaincu mon corps de lui ouvrir ses dernières réserves, comme le défi devant est bien connu et circonscrit.  Et j'en profite!  Je reprend une cadence encourageante, passe rapidement les ravitaillements de Keatings (92), Polly's (95) et finalement Sargeant's (97,8) vers 23h05.  Il ne me reste que 2,2 milles et l'affaire sera dans le sac!!

Je me souviens combien ces deux milles sont longs, alors je me dis qu'ils pourront bien me prendre 20 minutes chacun, mais il ne m'empêcheront pas d'atteindre mon but!  J'attaque le sentier tortueux et fais bien attention de ne pas tomber ni me perdre (dans mon tunnel!), jusqu'au panneau annonçant le dernier demi-mille: ma montre me confirme que j'ai une marge confortable avant minuit, et je goûte au buzz.  La nuit est fraîche, mais pas calme vu que des gens du voisinage semblent héberger un concert de rappeurs (!) -- hétéroclite, me dis-je.  J'ai dépassé quelques coureurs fatigués dans les derniers milles, et j'en passe encore deux qui marchent, accompagnés de leurs pacers.  Je les encourage à courir pour finir avec moi, mais ils ne semblent pas intéressés.  Ok les gars mais moi, je veux courir jusqu'à l'arrivée!!  Je franchis donc le portail à 23h36:32, ce qui me donne un temps net de 19:36:32, ouiiiiii!  Je laisse éclater ma joie.

Malheureusement, il n'y a aucun québécois à cette heure-là pour m'accueillir, ce sont les proches d'autres coureurs attendus... alors je dois vivre mon expérience solo jusqu'au bout, et une fois la médaille au cou, me féliciter moi-même ;)  Je rentre sous le chapiteau pour manger, boire une délicieuse IPA offerte par un gentil coureur américain, me réchauffer avec des couvertures prêtées à l'infirmerie; et puis arrive une coureuse québécoise ayant complété le 100km qui arrive peu après, Noémi.  Nous nous racontons nos aventures, encore toutes fraîches et puis je la salue et regagne ma tente pour un bon dodo, en me disant que je retrouverai tous les coureurs québécois au BBQ dans quelques heures.

Réveil vers 7 heures, ce sommeil fut court mais réparateur. Je me dis qu'il y a encore plusieurs braves coureurs qui se battent pour terminer leur 100 milles avant la limite de 10 heures (donc sous les 30 heures) !  Je vais consulter les résultats, la majorité de mes amis québécois ont réussi leur défi et rempli leurs objectifs, yesss.  Et Joan a largement dépassé toutes les attentes, avec une troisième place et un temps de 16:10, incroyable !!!

Je profite de la disponibilité du médecin en chef pour le consulter au sujet de mon pied gauche douloureux, qui présente une grande surface rouge et sensible sur le haut.  Il constate qu'il s'agit d'une veine éclatée, et qu'il est trop tard pour l'apaiser avec de la glace.  Curieux, c'est la première fois que ceci m'arrive.  C'est encore douloureux oui, mais je peux marcher sans problème (et j'ai couru 75 milles dessus), je n'ai rien de cassé, et donc pas de blessure sérieuse, tralala!!!

L'excellent BBQ d'après-course et la cérémonie de clôture, le dimanche de 10h30 à 13h sont toujours des moments rassembleurs, et nous avons bien des félicitations à nous échanger, avant de nous saluer et de rentrer au bercail.  Bravo à tous mes amis coureurs: Sébastien R., Joan R., Louis A., Pat G., Pat H., Philippe L., Denis L., Gary, Vincent F., Nicolas SV., Daniel G, vous m'inspirez beaucoup, chacun à votre façon.  Mercis spéciaux à tous les québécois qui sont venus en soutien aux coureurs cette année, dont Michel C., Dan D., Geneviève et Charles (pacers de Pat G. et super motivateurs), Kate, Hélène, Charlène, Marie-Pierre et tant d'autres... vous décuplez la richesse d'un tel événement.



Regard personnel sur ma course: d'abord j'en suis très fier, j'ai atteint tous mes objectifs.  Je suis sorti de mon tunnel.  Le Pierre optimiste a repris le dessus sur le Pierre pessimiste (depuis mon abandon au défi titanesque de Saint-Donat). Comme le dit la médaille du VT100: Believe in Yourself.  Ensuite j'ai encore appris, et j'ai bien sûr eu beaucoup de plaisir.  Je me sens bien, en santé et à ma place, je côtoie des gens formidables.  Je peux maintenant prendre une pause méritée, ma prochaine course n'est qu'en septembre (80km du UTHC à Charlevoix), suivi du 100 milles de Bromont en octobre, une nouvelle course ultra prometteuse tout près de chez nous!

Julia (directrice de course) me remet une 'belt buckle' (arrivée en moins de 24 heures)

Vermont 100 Time Splits

vendredi 2 août 2013

Vermont 100 - une deuxième conquête difficile

Dans chaque nouvelle épreuve d’endurance où on se dépasse, on passe à travers plusieurs états d’esprit, y compris qu’on ne la refera plus… n’est-ce pas ?   En juillet 2012, quand j’avais complété le Vermont 100 en 21h22, mon premier 100 milles, j’étais très fier à l’arrivée et je me disais aussi que de l’avoir complété une fois, c’était bien suffisant, allez basta revenons à des défis plus humains ! … Et puis déjà quelques heures plus tard, pendant le brunch et la remise des prix, en fraternisant avec les amis coureurs et en remarquant les nombreux récidivistes, eh bien les mauvaises pensées s’étaient quasiment volatilisées et je pensais à refaire cette course l’année suivante! 

Cette envie s’est confirmée dans les mois suivants, alors je n’ai pas manqué ma chance à l’ouverture des inscriptions en ligne, le premier décembre 2012, pour faire partie des 350 heureux élus.   D’ailleurs plusieurs de mes amis coureurs québécois se sont inscrits comme moi, nous étions une bonne quinzaine.  Toutes les places étaient prises en quelques jours.  Il faut dire que cette course a un charme particulier, avec son décor, son relief, son organisation hors pair, ses 29 ravitaillements, son histoire incluant la course équestre côtoyant la course humaine, et l’hospitalité toute vermontoise.


                                                 Charmant profil d'élévation, n'est-il pas?
                                           Les 29 points bleus représentent les ravitaillements.


De octobre jusqu’à juin, j’ai gardé une solide cadence en entrainement et un calendrier riche en événements organisés: un marathon au Vermont en octobre (GMAA, dans mes classiques), deux marathons intérieurs en janvier, deux demi-marathons en avril et mai, le 50 milles de Bear Mountain en mai, et en juin un beau bouquet : le Xtrail 22km de Sutton, une super excursion dans les montagnes blanches du New Hampshire (Pemi-Loop 51km), la course sur route MRSQ de 50km et le super-bouetteux UltimateXC 58km.  Que du plaisir , et pas de bobo, toujours aussi chanceux!  Tout cela m’a donné de la confiance et la progression souhaitée pour culminer avec cette épreuve maîtresse, en plein cœur de l’été. 

J’ai aussi investi dans les services d’un entraineur à partir de novembre, l’excellent Dorys Langlois, qui m’a ouvert de bons développements en quelques mois.  Avec des entrainements de groupe structurés les mardis et vendredis et un plan d’entrainement personnalisé, j’ai assimilé plusieurs concepts de base, corrigé de petits défauts de posture, profité de l’effet inspirant d’excellents coureurs.  J’ai aussi établi ma VMA (vitesse maximale aérobie, étalon pour se fixer des objectifs réalistes à chaque distance) et développé ma vitesse en séances d’intervalles très bien structurées, ce qui m’a entre autres ouvert de nouveaux niveaux de performance, comme un record personnel au demi-marathon des érables (fin avril), en 1h27.

La préparation

Deux semaines avant la course je me suis procuré de nouvelles chaussures de course tout terrain: les Saucony Peregrine 3.  À l’essai je les ai tout de suite adorées, alors j’ai décidé que je les porterais le plus longtemps possible pendant le Vermont 100.

Une des leçons apprises au Vermont 100 de l’an passé, c’est de me procurer des guêtres légères pour réduire la poussière qui s’infiltre dans les pieds, et pour réduire les risques de débris qui peuvent s’insérer dans les chaussures et causer des frottements et autres désagréments.  Après un peu de magasinage, ce sont clairement les ‘Dirty Girls’ qui seraient le modèle de prédilection, mais je m’y suis pris trop tard pour en commander sur l’internet et on ne les trouve pas en magasin au Canada.  En m’informant sur la page facebook de la course, une gentille coureuse du New Hampshire m’a gracieusement offert de me prêter une paire de ‘Dirty Girls’.  Chouette, merci Larisa !   Et vous allez voir que Larisa est une redoutable ultra marathonienne, je vous en reparle tantôt.

Dans les jours précédant le départ, je me prépare un gâteau aux dattes hmmm;  celui-ci me fait du bien mentalement autant que physiquement.  C’est pour moi un élément rassurant (et délicieux, merci maman pour ta recette) qui aide à me sentir en contrôle de ma préparation et fait descendre le stress.

Pour la préparation mentale, j’ai visualisé plusieurs fois ce loooong défi côteux, dont le parcours m’était resté encore assez frais de mon expérience 2012.  Je savais aussi que j’avais oublié bien de choses, et qu’il me fallait aborder l’épreuve avec beaucoup de respect et d’humilité.

Enfin, je compose mon équipe de soutien avec mon épouse Line et mes parents Nicole et Guy -- qui étaient tous trois de la partie l’an passé aussi.  Ils seront aux mêmes ravitaillements que l’an passé, soit aux milles 30, 48, 70 et 89.  Pourquoi changer un bon plan, avec de si bons alliés ?  Par contre, je choisis de ne pas demander de coureur d’accompagnement, en me disant que je courrai plusieurs segments avec d’autres coureurs, et d’autres solo -- y compris les derniers milles s’il le faut.   Ça laisse une place au hasard, et ça me va très bien.

Le jour ‘V moins 1’

Départ de la maison le vendredi vers 10h30, le poste douanier de Philipsburg est déjà pas mal occupé à 11h30, avec les vacances de la construction qui commencent.

Line et moi arrivons au site le vendredi vers 15h30, juste à temps pour la collecte du dossard, et la prise de mon poids référence, et pour ne pas manquer la réunion des coureurs de 16h.  Je retrouve ici la formidable équipe d’organisateurs et bénévoles de cette course, je les trouve tous dévoués et épatants : la directrice Julia, son frère enjoué, costaud et d’une énergie sans borne, l’équipe médicale expérimentée, et les autres sympathiques responsables.  Leur passion est contagieuse !

Retrouvaille des copains sous la grande tente, l'ambiance est pétillante: Benoit B. et Martin C., Pat G., Denis L., Patrick B., Daniel G., Vincent G., Vincent F., Vincent Machin-Truc, Louis A., Patrick H., Louis A., Michel C., Marie-Pier, et de nombreux autres coureurs et accompagnateurs enjoués et passionnants avec qui j’ai fait connaissance pendant la fin de semaine, comme Sébastien, Gary et Kate.

Pendant la réunion des coureurs, nous sommes bien avertis de la chaleur et de l’humidité avec lesquels nous devrons composer.  C’est définitivement la difficulté supplémentaire, qui m’a déjà fait réviser mes objectifs : d’abord terminer sans bobo, pas épuisé (le plus important), et ensuite essayer d'égaler ou améliorer un petit peu mon temps de l’an passé de 21h22 (et non pas retrancher 1 heure ou plus, comme je visais initialement).

Line me donne un beau coup de main avec le montage de la tente où je dormirai quelques heures la nuit prochaine, juste en haut du terrain des départs et arrivées.

Soirée calme près des tentes, avec Michel C. et Pat G., agrémentée d’un spectacle céleste assez spécial : ciel dégagé à la brunante, avec un beau gros nuage à l’horizon, chargé et multipliant les éclairs de chaleur.   À 10h je me couche et cherche le sommeil … pour ne le trouver que durant une heure, entre minuit 30 et 1h30 ! Il faut dire que nous avons droit à un fameux spectacle sons et lumières dans nos tentes entre 11h et minuit, avec l’orage qui s’est amené vers nous.  Drôle de party!  Mais bon rien de paniquant, ça me donne mon habituelle nuit courte, avec l’adrénaline pré-course présente malgré moi.
Je me lève vers 2h30, m’habille pour la course et mange un morceau de gâteau aux dattes et un muffin aux bananes (gracieuseté de ma fille Alice).

Le départ et le premier tiers

Rendez-vous pré-départ sous la grande tente vers 3h00, avec café et bagels.  Bon choix musical en sourdine, et beaucoup de papillons dans le ventre parmi les amis présents.  Mais je n'ai jamais réussi à rencontrer Larisa pour le prêt des guêtres... je ferai sans.  À 3h45 chic! je retrouve Larisa et son copain Rob, et Rob est assez gentil pour aller me chercher les guêtres ‘Dirty Girls’ et m’aider à les poser à mes souliers, dix minutes avant le départ (!).  Quelle classe ces guêtres, avec motif de têtes de mort, héhé.  Je les remercie, m’approche du départ et peut voir la fin des feux d’artifice offerts aux participants en l’honneur du 25ième anniversaire de la course.



Le départ est donné à 4h avec un peu d’excitation bien sûr, et je pars solo, faisant quelques connaissances dans les premiers deux kilomètres et retrouvant par chance Larisa dans un partie en sentiers, ce qui me permet de faire un peu plus connaissance.  Nous avions tous deux terminé l’an passé, et elle était arrivée 29 minutes devant moi.

Les 10 kilomètres suivants, je les cours avec Benoit et Martin et ils se déroulent fort agréablement, à un bon rythme (5:30/km je dirais).  Au deuxième ravitaillement, je mange un peu, fais un petit pipi et puis repars sans attendre mes deux compères encore occupés, et croyant vraiment qu’ils me rejoindront rapidement.

Je garde ensuite mon allure relativement rapide, ce qui est fort téméraire dans une course de ce type.  Les risques de ‘payer pour’ plus loin, d’une façon ou d’un autre, augmentent… allez, on verra.   Je côtoie plusieurs forts coureurs et coureuses (dont Larisa) en me demandant si je suis là où je devrais être.



Quand j’arrive au ravitaillement de Stage Road à 9h01, je suis en dix-neuvième place.  J’ai parcouru 30 milles (50km) en 5 heures, incluant déjà beaucoup de dénivelés, c'est 20 minutes de moins que l'an passé et je sais très bien que je ne pourrai soutenir ce rythme infernal beaucoup plus longtemps, mais je ne me doute pas de ce qui sera la conséquence dans les milles à venir.




À chaque ravitaillement, je remplis ma bouteille d’eau en la garnissant de plusieurs glaçons (disponibles aussi bien dans les ravitos avec bénévoles que ceux sans aide).  Je bois typiquement la moitié et j’utilise l’autre moitié pour me rafraîchir la tête, en me douchant par la casquette.  Et puis je bois aussi du Gatorade de ma gourde sac à dos.  Je mange les fruits offerts, surtout les oranges et melons.  Je crois donc m’hydrater suffisamment.  Et pourtant…



Je repars dans les sentiers très boueux et en montée ; maintenant mes pieds vont rester beaucoup plus mouillés, ce qui est propice aux ampoules...

La muraille de Chine

À partir du ravito de 38 milles, je faiblis de façon très nette.  Je ressens une grosse perte d’énergie, je marche beaucoup, j’ai même des étourdissements et je me fais dépasser par plusieurs coureurs.  Pendant les 10 milles suivants, je vais devoir traverser le plus grand mur en situation de course de toute mon expérience en endurance. 

Je m’accroche à certaines pensées positives, mais j’essaie aussi de comprendre ce qui m’arrive, sans pouvoir mettre le doigt dessus.  Je pense plusieurs fois que je vais devoir abandonner avant la mi-course, je ne vois vraiment pas ce qui m’arrive, comment corriger le tir et comment parcourir la deuxième moitié de la course dans de telles conditions.  D’autre part, le soleil est bien haut dans le ciel, la chaleur culmine avec le fort taux d’humidité et je sue beaucoup.  Je crois boire suffisamment, mais je saurai bientôt que ce n’étais pas suffisant… et que j’ai négligé les électrolytes.


                                  Arrivée à Camp Ten Bear et pesée: là je ne souris plus du tout...

En arrivant enfin au grand ravitaillement de Camp Ten Bear à 47,6 milles, je salue rapidement mon équipe et me dirige immédiatement à la pesée obligatoire : horreur et stupéfaction, je suis à 161 livres (73 kg), soit 5% de perte de masse corporelle depuis ma pesée de référence de la veille à 169 livres (76,6 kg) !!!  Voilà donc l’explication à mes malaises des 10 milles précédents.  J’ai poussé trop fort, et avec la chaleur montante j’ai perdu beaucoup, beaucoup d’eau et de minéraux sans réaliser à quel point.  Quasiment une erreur de débutant.

Le directeur médical me fait asseoir et me pose quelques questions pour sonder mon état physique et mental, et pour me donner les bons conseils : un peu de repos assis avec hydratation, électrolytes, alimentation, et je pourrai repartir après 15 minutes.


                                            L'équipe médicale m'aide à retrouver le sourire!

Line et mes parents me parlent et s’inquiètent pour moi.  Ils ne savent s’ils doivent m’encourager à repartir et surmonter mes difficultés, ou bien me conseiller d'arrêter...  Moi je décide de faire confiance au directeur médical.  Il a beaucoup d'expérience, il en a vu d'autres et il sait que mon problème est passager.  Il a senti que je trouverais de nouvelles ressources.

Vincent Machin-Truc, qui est un excellent coureur et est présent en soutien à d’autres coureurs québécois, me parle de sa recette pour les électrolytes : une pastille de sel (Salties, ou S!Caps) par demi-heure avec de l’eau, dicté par la sonnerie de sa montre pour rester discipliné.  Je ne programme pas ma montre, mais je vais m’en inspirer pour le reste de ma course, en faisant bonne provision des S!Caps fournies aux ravitos.

Rémission

Je me relève; allez Pierre il ne faut pas rater la chance de courir avec mes amis Benoit, Martin, et Louis qui m’ont maintenant rejoint et sont prêts à repartir.  Mon équipe me souhaite bonne chance, en se demandant s’ils font bien de me laisser repartir!

Dans le mille suivant, les fortes côtes reviennent vite et je ne peux même pas suivre la cadence de marche rapide de Benoit et Martin.  Je m’accroche à Louis -- un ultra marathonien épatant et excellent motivateur.  Mais quelques milles plus loin, encore une fois je dois laisser filer Louis devant moi parce que sa cadence de marche rapide dépasse la mienne, encore anémique. 

C’est dans les milles suivants que je me ressaisis, doucement mais sûrement.  Je rattrape d’abord Louis (que je n’avais pas perdu de vue devant moi), nous faisons plusieurs milles ensemble pour éventuellement rattraper Benoit et Martin.

Je continue à me rafraîchir régulièrement la tête avec de l'eau glacée de ma bouteille sur ma casquette, une recette qui me réussit bien avec la chaleur et l'humidité ambiantes.

Je suis ravi d’arriver au ravitaillement de Seven Sees (59,1 milles) et d’y retrouver plusieurs des amis coureurs québécois qui attendent leurs coureurs.  Ils nous aident beaucoup aussi par leur enthousiasme!  Un merci particulier à Patrick B., si généreux et positif.  

J'ai trouvé mon second souffle, mon moral est vraiment meilleur, et en bonne compagnie c'est encore bien mieux.


                                          Au ravito de Seven Sees avec mes acolytes

Nous poursuivons notre route dans les côtes, et atteignons l'incontournable et festif ravito de Margaritaville (62,1) où Martin C. se fait soigner les jambes et les pieds, et où Louis C. essaie d’apaiser de fortes irritations aux cuisses avec du Zincofax, résultant du frottement de ses shorts mouillés.  En plus, nous avons droit à un épisode de pluie.   Moi je me sens de mieux en mieux, je mange et je bois bien... et avec l’insistance de la gentille dame bénévole, je me laisse même tenter par un petit verre de margarita -- mixé en bouteille, et oui oui alcoolisé!  La bonne humeur m'envahit :))

En quittant le ravitaillement, Louis nous dit de ne pas l’attendre, vu ses fortes rougeurs et les probabilités qu’il doive abandonner sa course dans les dix prochains milles.

Quelques milles plus loin, la malchance frappe Martin : il est atteint d’un gros hoquet incontrôlable, et Benoit (qui prévoyait courir le plus longtemps possible avec Martin) s’entend avec lui pour le laisser continuer son chemin en lui souhaitant bonne chance.  À partir de là, Benoît et moi devenons compagnons de route.

Après le ravito Brown School House (65,5 milles) où je continue à enfourner les fruits, et où Benoit se laisse tenter par un peu de fudge au chocolat, nous attaquons la longue descente qui nous fait regagner vitesse et momentum jusqu’à Camp Ten Bear (deuxième passage, à 70,5 milles).

Ampoules

Dans les derniers milles avant de rallier Camp Ten Bear pour la deuxième fois, j’avais senti une drôle d’impression au deuxième orteil de mon pied droit, comme si l’ongle était prêt à se détacher.  Après la pesée obligatoire, qui me confirme que tout va bien avec un regain de poids de 2 livres (1kg), j’enlève mes souliers et mes chaussettes pour voir comment mes chers pieds tiennent le coup, et quoi faire pour qu'ils durent 30 milles de plus.

Dans l’ensemble ils vont bien, mais surprise : j’ai quelques ampoules aux orteils, chose qui ne m’était jamais arrivé encore.  Et là où j’avais une sensation plus notable, c’est une grosse ampoule qui demande une attention immédiate.  À la tente des médics (qui nous avaient bien dit de faire appel à leurs services professionnels pour le traitement des ampoules) on me soigne de la meilleure façon en perçant celle-ci avec aiguille stérilisée, en la vidant et en la soignant avec un onguent antibiotique rouge foncé, sur lequel on me rechausse directement avec de nouvelles chaussettes propres et sèches -- et sans pansement, ce qui me surprend mais on me rassure, c’est la bonne façon de faire.  Changement de chaussures et de shorts aussi (avec cuissards intégrés), une bonne idée de Line pour éviter les irritations et de nouvelles ampoules.

Ce traitement demande donc quelques minutes pendant lesquelles Benoit a la gentillesse de m’attendre pour que nous repartions ensemble.  Et malheureusement, Louis et Martin ne nous ont pas rejoints.

Nouveau souffle

Avec Benoit, c’est un vrai charme de courir.  C’est un grand coureur dans tous les sens du terme.  Il inspire, il est drôle et gentil, il rend la course plus facile.  Pour la longue distance, nous avons de bonnes affinités de cadence (et pour les distances plus courtes, il est bien plus fort que moi!).

Ma bandelette ilio-tibiale droite me fait de plus en plus mal, particulièrement dans les descentes, mais la douleur est supportable et je trouve un moyen de descendre de biais pour m’aider un peu.  Étant donné le chemin parcouru, je suis relativement content de mon état, et j’ai pleinement repris confiance dans ma capacité de finir cette course assez fort, même plus fort que l’an passé.  Je crois que ça se voit dans mon visage, Line et mes parents le sentent et en sont rassurés.

Il y a encore plusieurs reliefs à traverser, et jusqu’au ravito musical ‘Spirit of 76’ (à 77,4 milles) c’est un segment ou nous sommes vulnérables aux pensées négatives; dans mon cas je réussis à rester relativement positif et déterminé, en m'appuyant sur mon expérience de l'an passé.  Un petit bouillon et hop nous repartons au soleil couchant, avec les jambes de plus en plus démolies mais encore assez de structure pour pouvoir courir de longues parties plus plates et dépasser quelques coureurs.

Derniers 11 milles dans la nuit

Nous atteignons le très accueillant ravito de Bills (89 milles) à la frontale, dans le noir, avec la pesée finale qui confirme que tout va bien, et puis hop une petite soupe et de bonnes petites patates rissolées, miam gloups.  Mes parents et Line sont là, ils m’aident et m’encouragent, maintenant ils sentent comme moi que je vais beaucoup mieux, relativement à mon état de la mi-course.  Je leur laisse mon sac à dos et ma casquette, allez je vais finir plus léger.  Bon il ne faut pas s’attarder, Bill’s est un oasis, un piège tentant où on peut s’éterniser! 

Peu de temps après avoir quitté le ravito, la frontale de Benoit clignote pour l’avertir que les piles sont faibles, et il n’a pas de pile de rechange sur lui.  Nous convenons de courir le plus possible proches, à la lumière de ma frontale…. qui elle aussi faiblit (elle est rechargeable et j’avais oublié de la recharger, nono) !!  Bon, ce sera quand même suffisant pour continuer dans les sentiers et se rendre au bout.  Le temps et les milles semblent s’étirer maintenant, il me semble se passer une éternité jusqu’aux ravitos suivants de Keatings (92,4), Polly’s (95.9) et Sargent’s (98,1).   Minuit, 1h passent... patience Pierre, souviens-toi un 100 milles se joue tout en patience et en persévérance.  Il fait plus frais maintenant, ça c’est du positif !

Arrivée

Le dernier mille est montant et interminable.  Allez finissons-en, je me sens nettement plus fort que l’an passé pour cette finale, je dirais même énergique!  Benoit et moi donnons ce qu’il nous reste dans les jambes pour finir ensemble en courant à 1h32 du matin, main dans la main avec un gros sourire, accueilli par nos équipes et les amis présents.  

21:32:49 !  C’est dix minutes de plus que l’an passé, mais dans des conditions plus éprouvantes et ça se traduit dans les positions : l’an passé j’étais arrivé 52ième, cette année 36ième (ex æquo avec Benoit), donc je le prends comme une bonne progression.   J’apprendrai plus tard que les abandons ont été plus nombreux que l’an passé, pas surprenant avec la météo qui a multiplié les obstacles pour tous.

Line et mes parents m’accueillent bien sûr et me félicitent, un moment spécial en famille!

L'ami Denis L. arrive à peine 8 minutes après nous avec son accompagnateur, il a connu une progression remarquable depuis un an, a couru ce 100 milles de façon intelligente et en récolte les fruits.  Bravo!

Célébration

Après avoir mangé un hot dog et bu une bonne bière (une IPA 'Long Trail' ahhhhh), je me dépêche d’aller me laver dans l’étang voisin et de m’habiller en vêtements chauds, aidé par Line (merci mon amour) pour retourner à l’arrivée et féliciter les prochains finissants.  Marie-Pier (deuxième femme au 100km, wow bravooo) et Michel me prêtent des couvertures pour me tenir au chaud dans ma chaise de camping... mais je grelotte, et je n’arrive pas à rester éveillé bien longtemps -- d'ailleurs je termine mes phrases en cognant des clous!  Je vais finalement me coucher dans ma tente avec Line vers 4h30 et me lève vers 7h30 et nous allons petit-déjeuner.  Pas exactement tout le sommeil dont j’avais besoin, mais pas grave je me rattraperai plus tard ;)  Le soleil est déjà haut et chaud quand le dernier coureur finissant franchit le portail à 9h48, bien accueilli par sa troupe.

Le brunch du dimanche sous la grande tente, entre 11h et 13h, est fort plaisant: c'est le temps de renouer avec tous les amis et de se raconter nos péripéties.  

Et lors de la remise des prix, qu'apprends-je?  Larisa est arrivée première chez les dames et huitième au cumulatif, avec un époustouflant 18h38, ce qui veut dire qu'elle a été d'une constance et d'une force remarquables tout le long de sa course.  Chapeau!  Je vais la féliciter, lui rends les guêtres prêtés (et propres) et les remercie chaleureusement, elle et son copain Rob (qui accepte mon offre pour une bière :).  

À mon tour, je reçois ma 'buckle' de ceinture (donnée au finissants sous les 24 heures) de la souriante directrice Julia.  Et puis chacun doit repartir, c'est le temps des au revoir.  L'an prochain?  Peut-être, mais pas sûr: ça dépendra de mes objectifs sportifs pour 2014 et de mes choix de course.

Récupération

Dans les jours suivants, mes pieds et mes chevilles sont restées enflées et mes orteils très sensibles, mais tout s’est résorbé au bout d’une semaine de repos complet, alors que je profitais de formidables vacances sur le lac Champlain, à bord du voilier de mes amis. De belles vacances!

De retour sur terre j’ai repris graduellement les entrainements avec grand plaisir.

Épilogue

Je repense à cet accomplissement avec fierté, et avec beaucoup de reconnaissance pour tous ceux qui m’ont aidé et soutenu, d’une façon ou d’une autre. Merci à Line et à mes parents.  Je suis chanceux d’être si bien entouré, j’y pense tous les jours.   Merci à Benoit pour la compagnie, merci à tous les amis coureurs qui nous ont aidés à de nombreux ravitaillements.  Merci à tous les extraordinaires bénévoles du Vermont 100, leur générosité et leur esprit sont un exemple à suivre.

Vaincre le Vermont 100 une deuxième fois, ce n'était pas gagné d'avance.  J'ai eu de nouveaux obstacles à surmonter, de nouveaux maillons faibles à ficeler, ce qui amène à chaque fois des leçons à tirer et des solutions à intégrer.  Comme le dit Sébastien R. , un coureur apprend toujours!

Il m’a fallu pas mal de ténacité pour briser l’énorme mur de la mi-course, et cela a ajouté à ma confiance en mes capacités.  En huit ans de courses, pas encore de DNF pour moi -- mais je ne me fais pas d’idée, ça finira bien par m’arriver à force de prendre des risques.  Et dans l’endurance, repousser ses limites pour les trouver, ça fait partie de la fascinante recherche sur soi!  Mais comme le dit Michel C., ça reste un jeu, il faut garder les choses en perspective.

D’ailleurs je m’attaque à un autre monstre dans un mois et demie, qui s’appelle Virgil Crest 100… un parcours encore plus difficile en deux boucles de 50 milles, et la tentation d’arrêter au milieu… finira, finira pas?  Qui courra saura !

Leçons apprises

1. Il me faut établir, tester et respecter mon plan d’hydratation, incluant les électrolytes.  Lors de mon prochain 100 milles, je vais programmer ma montre pour me rappeler de boire et de prendre une capsule de sel à chaque 30 minutes.

2. La marche rapide en montées est un outil essentiel aux ultra marathoniens, qu’il me faut encore développer en entrainement en montagne pour gagner en efficacité.

3. Les descentes doivent généralement être courues à petites foulées pour réduire l’impact cumulé sur les jambes (avec muscles en mode freinage et en compression).  Cette année j’ai évité d’épuiser mes quadriceps, et j’en suis fort satisfait.

4.  Je dois prévenir les rougeurs sur les cuisses (et toute autre zone sujette aux frottements) avec beaucoup de vaseline, un bâton de Glide et du Zincofax au besoin, et surtout en choisissant des vêtements qui minimisent les risques de friction, comme des cuissards, par exemple.

 5. Prévenir les ampoules aux pieds et aux orteils avec la crème Nok (application dans les dix jours précédant l’épreuve), avec Glide et avec le bon choix de chaussettes – les Injinji qui séparent les orteils seront à essayer (c’est ce que Benoit portait d’ailleurs).

 6. Je vais rétablir une routine d’étirements musculaires de 5 minutes après mes entrainements de base, parce que des muscles trop tendus avant un ultra risquent plus de causer problème, comme il m’est arrivé avec ma bandelette ilio-tibiale de droite.

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Si vous aimez lire les aventures des ultra marathoniens québécois au Vermont 100 (et à leurs autres courses), alors ne manquez pas de lire aussi les excellents récits de Vincent G. , Michel C. , Pat G. , Benoit B.  (sur sa page fb) et Sébastien R. (sur sa page fb).  

Mon aventure ultra 2013 continue donc en septembre… à bientôt !

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vendredi 18 janvier 2013

Le gâteau aux dattes des coureurs

Hmmm j'ai été bien muet depuis six mois.  Je vais faire un Lance Armstrong de moi-même et avouer: c'est tout de ma faute.  Non pas que la deuxième moitié de 2012 ait été une période terne, bien au contraire!  J'y reviendrai une autre fois, sportivement.  Pour l'instant, partons l'année 2013 en force!

Aujourd'hui j'ai quelque chose d'utile à partager avec vous: une recette géniale de ma chère maman... c'est un élément de ma diète d'endurance que je dévoile, et que certains amis coureurs convoitaient.  Donc, c'est aussi un deuxième aveu à la Lance: voici comment je me suis dopé au Vermont!

Je laisse sans plus tarder la parole à Nicole:

Le gâteau aux dattes de Nicole...  pour coureurs gourmands




Mon gâteau aux dattes est le résultat de ma propension à transformer ou à ne pas suivre à la
lettre les recettes, dont celle au départ de Jehane Benoit; libre à vous de faire comme moi et
d’ajouter ou d’augmenter des ingrédients de votre cru.






La pâte:

2 paquets de 500g de dattes
2 tasses d’eau chaude
2 tasses de farine à pâtisserie tamisée
1c à thé de poudre à pâte
¼ c à thé de sel
½ tasse de beurre doux
½ tasse de sucre
3 œufs
1 tasse de crème sure
1 ½ c à thé de bicarbonate de soude

Préparation de la pâte : Faire cuire les dattes et l’eau jusqu’à ce que le tout devienne pâteux. Faire tiédir. Four à 350 degrés. Beurrer un moule rectangulaire de 36cm x 22cm x 5cm (environ) et en tapisser le fond de papier parchemin. Mettre en crème le beurre, ajouter le sucre jusqu’à l’obtention d’un mélange aussi lisse que possible. Ajouter les œufs et battre fortement. Mélanger le bicarbonate dans les dattes tiédies, ajouter à la pâte de même que la farine et la crème sure, brasser. Verser dans le moule, cuire environ 45 minutes.

La garniture:

8 c à soupe de beurre
6 c à soupe de crème 35 %
1 tasse ou plus de cassonade bien tassée
2 tasses de noix de Grenoble en morceaux

Préparation : Mélanger les ingrédients dans une casserole, faire bouillir pendant 3 minutes. Étendre sur le gâteau cuit pendant qu’il est encore chaud. Glisser sous le gril à 10cm (ou 4 pouces) du feu, faire griller pendant 2 minutes.

***

Comme je fais le tout au pif, je ne respecte pas toujours les doses, c’est ainsi que mon gâteau n’est jamais pareil d’une fois à l’autre.

Bon appétit à tous les amis coureurs (un peu fous) de Pierre. Amitiés.

Nicole

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dimanche 29 juillet 2012

VT100: une longue histoire qui finit bien

Comment se sent-on quand on vient d'atteindre un objectif vraiment difficile, qu'on s'est fixé depuis près d'un an?  C'est une question très personnelle.  Chacun le vit à sa façon.  Dans mon cas, j'ai franchi l'arrivée du Vermont 100 avec une émotion bien vocalisée, celle de l'accomplissement et du soulagement; et puis j'ai savouré les heures suivantes dans la satisfaction et le partage d'une victoire personnelle avec proches et amis coureurs.  Mais la pleine réalisation de ce que j'ai vécu, de ce que j'ai gagné... murira encore plusieurs semaines en moi.


Un des sentiments forts déjà, c'est une grande reconnaissance pour ceux qui m'ont aidé dans ce pari fou.  D'abord, mon équipe de soutien qui a été tout simplement fantastique: mon épouse Line, mes parents Nicole et Guy, ma soeur Magali (venue du Utah) et mon ami Michel ont été là avant, pendant et après et je leur en dois toute une!  Et puis tous mes amis, les coureurs et les pas-coureurs qui se sont intéressés au défi fou de 100 milles (oui oui, 161km) que je m'étais lancé en décembre, qui m'ont encouragé, qui m'ont envoyé leurs ondes positives, ont tous renforci mon élan.

C'est donc avec détermination, énergie, confiance et une bonne dose d'inconscience que je me suis avancé vers cette grande fin de semaine de l'été, celle où le Vermont allait m'offrir ses montagnes vertes, celle où moi j'allais lui donner tout mon coeur et toutes mes jambes.  Celle où j'allais aussi savoir si j'étais prêt à creuser suffisamment en moi, à faire triompher ma volonté sur les obstacles pour me rendre au bout.

Entraînement et préparation

L'an passé, en courant le 100km du Mont Royal (c'était fin juin 2011) avec comme seule préparation celle des marathons de Boston et Ottawa, je m'étais rendu compte que le monde des ultras était à ma portée.  Un monde marginal, éclaté... avec du vrai monde, les deux pieds bien sur terre.  J'avais couru ce premier ultra en 10h51 et terminé avec des douleurs aux jambes bien senties, mais aussi avec l'impression que je pouvais aller encore  plus loin.

Le rêve du 100 milles a donc germé doucement dans ma tête pendant l'automne, et je me suis inscrit en décembre 2011 au Vermont 100 de juillet 2012; ce choix me semblait tout naturel vu la proximité et le cachet du Vermont, où j'avais couru le Green Mountain marathon deux mois plus tôt.  Mon timing pour l'inscription fut bon, puisque deux semaines plus tard le site affichait déjà complet avec 325 inscrits! À un coût somme toute raisonnable, selon nos standards nord américains: $236, ce qui représente moins de $1,50 le kilomètre! J'en connais qui paient plus cher pour souffrir, notamment mes amis Ironman ;-)

Mon ami ultramarathonien (et premier inspirateur) Bruno m'a alors parlé d'un bon livre de référence: Relentless Forward Progress , de Bryon Powell.  Je me le suis procuré et l'ai lu par petites doses, en livre de chevet.  L'auteur, un ultramarathonien accompli, donne d'excellents conseils et propose des plans d'entrainement tout à fait accessibles, à raison de 50 milles (80km) par semaine ou de 70 milles (110km) par semaine.  Tiens, j'en surprend déjà quelques uns se dire pour eux-mêmes ... 'seulement?! Hmm ce n'est pas tant que ça...'

J'ai entâmé l'hiver 2012 en force, avec un entraînement marathon costaud, celui de Run Less Run Faster et les multiples courses du printemps qui m'ont gardé continuellement en alerte:
- Marathon de Boston sous une canicule-surprise, à la mi-avril, avec un temps de 3h32.
- Demi-marathon de Chateauguay à la mi-mai, en compagnie de notre championne belge, Delphine.
- Marathon d'Ottawa, fin mai, où j'ai réalisé mon meilleur temps à vie: 3h08!
- 21km Xtrail de Sutton une semaine plus tard, où j'ai apprivoisé le 'single track' technique et les gros dénivelés avec une performance soutenue - une expérience palpitante;
- 20km de Saint-Bruno en accompagnement de Benjamin, un jeune néophyte de 16 ans que j'ai aidé à s'entrainet et à se dépasser;
- 20km du Lac Brôme avec les jeunes des Étudiants dans la Course, en particulier mon jeune mentoré Alex D., qui a très bien géré sa course;
- 58km Ultimate XC de Saint-Donat, en équipe avec mon ami Alex E., une épreuve ultra très costaude qui incluait plus de 2000m de dénivelés et des 'surprises' marécageuses...  à seulement 3 semaines du grand défi du Vermont 100.  J'y ai rencontré plusieurs bons coureurs dont Pat et Michel, qui se préparaient au même défi que moi.

Au total, un volume somme toute raisonnable (70-100km par semaine), au regard du but à atteindre.  C'est 2000km en 6 mois, à raison de 5 fois par semaine, et une moyenne de 15-20km par jour d'entrainement, incluant une dizaine de longues courses de plus de 25km.  Ma philosophie: s'entrainer suffisamment, mais éviter le surentrainement et la zone des blessures, qui pourrait hypothéquer mes jambes et mes chances d'atteindre mon objectif ultime de l'année.

Dans les dernières semaines, j'ai préparé mon plan de course, les aspects logistiques et j'ai eu la chance de regrouper une super chouette équipe -- sans forcer personne.  Tout s'est aligné comme par magie devant moi :)  Chanceux, parce que je ne suis pas aussi sérieux que bien d'autres amis coureurs dans mes préparations, avec mon côté un peu brouillon.  Mais étonnamment, je ne me suis pas senti trop nerveux à l'approche de l'événement.  Je sentais que j'avais les ressources en moi et autour de moi pour réussir.

La grande fin de semaine commence

Line et moi sommes partis le vendredi matin pour arriver au site du départ et arrivée de la course, à West Windsor au Vermont, en début d'après-midi.  Enregistrement - très convivial - petite vérification médicale et pesée initiale: 77 kilos ou 170 livres.




Briefing  aux coureurs et à leurs équipes à 16h00, avec quelques bons conseils et rappels.  Le plan de course avec les 29 stations de ravitaillement est passé en revue.  Je dépose quatre petits sacs de légères provisions pour certaines des stations de ravitaillement, au cas où j'en aurais besoin.

Le parcours est sinueux, passe par toutes sortes de routes (de campagne, de terre, d'asphalte) et de sentiers forestiers et champêtres.  Il est surtout rempli de reliefs.  Voyez plutôt la comparaison du profil avec celui du marathon de Boston:

Ce n'est pas 'a walk in the park' , quoi!

Je retrouve les coureurs québécois (Pat, Michel, Denis, Marie-Pierre, Pablo) et fais de nouvelles connaissances, dont deux sympathiques vétérans des ultras et compagnons d'armes: Patrick H. et Louis A. -- ce dernier est blessé de son 100 miles précédent et est venu tout de même, par solidarité et pour aider comme bénévole; généreux de sa part!  On se salue, et puis on se reverra la nuit prochaine avant le départ, vers 3h30.

On ne peut manquer de remarquer aussi les nombreux campements des participants équestres sur le site, avec leurs superbes montures.  La course équestre s'organise en parallèle à la nôtre, et emprunte en majorité les mêmes chemins que le VT100, avec quelques différences.

À 17h30, un bon souper nourrissant et varié pour les coureurs, et puis je vais accompagner mon équipe de soutien à leur souper (ailleurs); enfin Line et moi rentrons tôt à notre B&B pour mes derniers préparatifs dans la chambre: vêtements, sac à dos, bouffe.  Je réussis à dormir deux heures avant de me lever spontanément vers 1h30 (bien avant mon réveil!).  L'adrénaline pré-course, un classique.  Je prend mon temps, mange des céréales et 2 bananes dans la chambre et j'arrive quand même bien en avance au site du départ de Silver Hill Road, vers 2h45.  Je mange encore un peu dans l'auto, et puis je me rend sous la tente vers 3h15.  La frénésie est palpable, tout le monde se souhaite bonne chance.  À ce moment, en parlant avec d'autres coureurs, je me rends compte que la gourde dans mon sac dorsal n'est pas idéale à remplir aux ravitaillements, et que je pourrai me suffire plus simplement de ma bouteille à la main.  Je vide donc la gourde et la range au fond de mon sac.  Bonne décision.

Le départ est donné à 4h00 du matin.  299 coureurs déjantés partent doucement dans la nuit, encouragés par plusieurs braves qui se sont levés pour les coureurs. Armés de nos lampes frontales, nous avançons d'abord sur Silver Hill road direction nord, et sommes rapidement dirigés vers un sentier large, avec petites côtes.  Je me joins au groupe des coureurs québécois: Pat, Michel, Vincent F., Vincent L., Pablo et Patrick.  Ambiance spéciale alors que nous franchissons ensemble les tous premiers kilomètres de notre odyssée.  Je prend bonne note du premier conseil de Pat, qui suggère de commencer tôt les intervalles marches dans les  côtes montantes.  Il faut savoir doser et gérér ses énergies, et les montées sollicitent plus.

Après trois kilomètres, je choisis de courir avec Patrick, un peu devant les autres québécois.  Patrick est un mordu des ultramarathons, il en est déjà à son cinquième 100 milles cette année (!!!).  C'est un compagnon super chouette qui a de bons conseils d'expérience; nous parcourons une vingtaine de kilomètres ensemble.  Dans le village de Woodstock au petit matin, nous recevons nos premiers encouragements, dont ceux de l'ami Denis.  Quelques segments d'asphalte courts, dont le pont de Tafstville, avant de retrouver les chemins de terre. Vers 6h50, les premiers cavaliers et leurs montures nous dépassent au trot rapide, eux qui avaient pris le départ une heure après nous.  Peu après, Patrick m'encourage à continuer à mon rythme, alors je lui dis au revoir et continue solo.  Je dépasse plusieurs coureurs, et doit garder le contrôle sur mon rythme, ne pas 'emballer.

Nous sommes toujours dans la première moitié de la première boucle (0 à 48 milles) côté nord, je me sens très bien à date.  Le premier grand ravitaillement arrive à 7h30, celui de Pretty House à 21 milles (34km).  Comme j'y passe très tôt, mon équipe n'y est pas venue, et c'est ce que je leur avais demandé -- il faut qu'ils puissent déjeuner à leur B&B, tout de même!  Ce sont pour moi 7-8 minutes bien investies: changement de t-shirt, demi-barre Lärabar (dattes-cajous), fruits, pause toilette et je repars.

Le matin progresse, la chaleur commence à monter.  J'entame le passage le plus septentrional avec plusieurs montées pour atteindre un plateau champêtre avec superbe point de vue sur les montagnes environnantes.  Dans cette portion je côtoie un temps Tony de Boston, nous faisons connaissance.  La descente est raide et dure sur les jambes, qui commencent pour la première fois à se manifester: quadriceps en compression et genou droit, surtout.


J'arrive au ravitaillement de Stage Road à 30 milles (48km) où mon équipe m'attend, il est 9h20 et je me permet une pause de 10 minutes pour m'asseoir et me changer: casquette, t-shirt, chaussettes et souliers.  Ma soeur Magali m'offre généreusement de me nettoyer les pieds déjà pleins de poussière.  Ça me fait beaucoup de bien de repartir les pieds propres, secs, et dans mes Salomon Crossmax XR -- chaussures que je garderai jusqu'à la fin.  Question bouffe, je profite d'un premier morceau du délicieux gâteau aux dattes et noix que ma maman a préparé à ma demande.  Si vous y goûtiez, vous comprendriez.

Le pissenlit trotteur et sa super équipe à Stage Road:


Je repars à 9h30, quelques minutes derrière Pat qui m'avait rattrapé et qui a fait un arrêt plus court que moi.  500 mètres après avoir laissé mon équipe, bang une autre grosse montée.  Je la monte en marche rapide, dépasse quelques coureurs et rattrape Pat peu après.  Nous allons parcourir les 17 milles suivants ensemble, ce que j'ai trouvé motivant, au travers des côtes qui ne cessent jamais.  Nous parlons ensemble naturellement, sans forcer les choses, pendant que la chaleur de l'été continue à monter.  Je vide maintenant ma bouteille d'eau entre chaque ravitaillement, et je prend régulièrement des capsules d'électrolytes (les toutes simples S-Caps, fournies par l'organisation).   Aux ravitaillements, chaque fois qu'il y en a, je choisis les morceaux de cantaloup et de melon d'eau, quartiers d'orange, les morceaux de patates bouillies avec sel, et les sodas -- pour du sucre rapide.  Initialement du Coke, mais je suis rapidement passé au Ginger Ale, nettement plus agréable au goût.  J'évite les sandwiches et la plupart des autres aliments secs offerts, parce que l'estomac est devenu fragile et l'appétit... pas très soutenu.  Il me faut pourtant ingérer et traduire suffisamment de calories: mes réserves initiales corporelles sont presque toutes consumées!  Pas évident, c'est un des éléments clés de la course.

Pat et moi à l'arrivée du ravitaillement 10. Lincoln Bridge:



Dans le dernier kilomètre avant le prochain grand ravitaillement, nous attaquons une grande descente où je laisse filer le rapide Pat devant moi, question de ne pas trop aggraver l'état de mes jambes déjà soumises à un stress considérable.

Arrive donc le ravitaillement de Camp 10 Bear, à 48 milles (77km) où m'attend ma chère équipe.  Priorité: la première pesée en course, avec comme verdict 75,5 kilos ou 166,5 livres.  Une petite baisse de poids depuis la veille, mais tout à fait acceptable.  Je vais vite me changer et me ravitailler avec mon équipe.  Fruits, super gâteau aux dattes et noix -- mon petit plus, vous avez compris!  Après 15 minutes, je repars dans mon kit gris pâle Saucony, plus léger et énergisé:


La deuxième boucle, de 48 à 70 milles, nous amène dans la zone sud-ouest.  Elle se déroule en plein après-midi, au plus fort de la chaleur, et est éprouvante sur le moral.  On se sent un peu 'middle of nowhere', et les côtes salées s'accumulent.  Je repars seul - encore cette fois, Pat ayant fait un arrêt plus court pour repartir devant.  Je cours encore un bon bout solo; je me sens bien là-dedans.  Je m'étais préparé à courir le plus gros de cette course seul, ce  qui fait que les bouts en compagnie se prennent comme des boni.  Arrive un point où je finis ma bouteille d'eau 2km avant le prochain ravito (16. Birmingham's) et j'ai très soif.  C'est justement dans ce segment que je dépasse John Geesler, une légende vivante des ultras aux États-Unis qui détient aussi le record d'assiduité à cet événement: c'est sa vingtième année en ligne!!

De l'eau, des vivres: ravitaillement providentiel.  Je poursuis, continue à grimper et puis descendre jusqu'au ravitaillement 17, Tracer Brook.  En arrivant au ravito suivant en haut de Prospect Hill (60,6 milles), j'aperçois Pat, que je rejoins peu après.  Encore un bon feeling de se retrouver, nous poursuivons la route ensemble, sans sentir le besoin de se parler autant qu'avant.  

Les milles sont plus longs, et nous arrivons avec une fatigue certaine au ravitaillement Camp 10 Bear pour la deuxième fois (70,5 milles ou 113km) à 17h30, très heureux de retrouver nos équipes.  Re-pesée, cette fois-ci 76,3 kilos ou 168,2 livres.  Tout va bien, Madame la Marquise...

Je m'assois avec mon équipe, cette fois-ci augmentée de mon ami Michel, qui va m'accompagner pour les 18 milles suivants!   Je me sens fatigué mais encore de bonne humeur, prêt à attaquer la suite.  Nouveau changement de linge, nouveau nettoyage des pieds avec l'aide de ma soeur si attentionnée pour moi.  Louis A. est là aussi, bénévole au ravitaillement, il me donne un bon coup de pouce et me redonne de l'entrain.


La troisième et dernière boucle, de 70,5 à 100 milles nous amène dans la zone sud-est de ce long parcours en forme de trèfle à trois lobes.  Michel et moi quittons l'équipe après 20 minutes de pause, il est 17h50.  Michel est tout frais et enthousiaste, c'est bienvenu pour m'aider avant mon prochain coup de barre. À peine avons-nous traversé la route 106 que nous devons attaquer un sentier en grosse grimpe, long et pénible.  Je garde un bon rythme de marche dans les montées, mais je me rends compte que mon souffle est plus court, et il me faut plus de temps de récupération en haut avant de me sentir prêt à courir.  À partir de ce moment la quantité de marche augmente beaucoup par rapport à la course, mais Mike Mercury (c'est son surnom :)  m'aide à rester positif.  Dans ces sentiers, il y a encore certains cavaliers qui nous passent, dont un... qui est aveugle et partiellement paralysé, sur son cheval!  Il est guidé par une cavalière sur cheval séparé.   Nous les côtoyons un certain temps, parce que les descentes en sentiers étroits sont loin d'être évidents pour eux!  Justement, les descentes sont de moins en moins évidentes pour moi aussi, avec mes quadriceps sur-sollicités en compression...

Nous avons ensuite un bon segment sur route de terre large, où je me surprendrai à faire quelques bonnes passes de 10 à 15 minutes de course ininterrompue.  Le combat avec moi-même, c'est maintenant: Pierre, cours quand tu peux, marches moins!  Jamais l'idée d'arrêter, par contre: j'ai le privilège du momentum.        

La nuit tombe graduellement.  Je me sens fatigué bien sur, mais quand même chanceux d'être rendu si loin à la clarté, alors que plusieurs des coureurs suivants devront se débrouiller dans le noir.  Michel allume d'abord sa lampe frontale, je l'imite 30 minutes plus tard.  Le chemin à suivre, indiqué jusqu'ici par de petites assiettes jaunes en plastique sur les arbres, est maintenant donné par de petits bâtons fluorescents verts qui pendent de branches d'arbres, à tous les 100 ou 200 mètres.  Il ne faut surtout pas les oublier!  Et pourtant...

En repartant du ravitaillement 25. Cow Shed, il fait bien noir maintenant et nous prenons la mauvaise route sans nous faire avertir par les bénévoles... et en espérant toujours voir un bâton fluo devant nous... ce qui résulte en 15-20 minutes de perte de temps pour nous et deux autres coureurs qui nous ont suivi; un peu dur sur le moral, mais pas catastrophique.  Allez, on continue notre course, en repartant du Cow Shed.

Nous arrivons enfin au dernier grand ravitaillement 26. Bill's (89 milles ou 143km).  Dernière pesée: 76,2 kilos ou 168 livres.  Tout est sous contrôle.  Autre bonne pause de 20 minutes avec mon équipe pour bien m'alimenter (bouillon avec nouilles ramen, petites patates rissolées hmmm, fruits, gâteau, soda), mettre un t-shirt à manches longues plus chaud, encore nettoyer les pieds et changer de chaussettes, laisser le sac à dos à mon équipe avant de repartir.  Je prend ces pauses plus longues que la majorité des autres coureurs, mais c'est ce que j'avais prévu et au final je ne crois pas y avoir trop perdu au change.  Pour m'accompagner dans les 11 derniers milles, mon ami Michel passe le flambeau à ma soeur Magali, qui est aussi une super coureuse -- entre autres sports.

Nous repartons dans la nuit, et descendons dans un champ et des sentiers, jusqu'à assez profond... je me dis que tout ceci va ajouter en montées!

Magali juge rapidement comment m'épauler et trouver le ton juste pour me stimuler à courir quand c'est possible.  Parce que mon envie de courir a beaucoup diminué, comme pour bien d'autres coureurs.  Nous choisissons nos segments pour courir en nous aiguillant aux bâtons fluorescents, et en essayant de faire moitié course, moitié marche.

Le ravitaillement de Polly's à 96 milles est le dernier avec bénévoles.  Je prend encore un verre de bouillon avec nouilles ramen, patates, fruits et soda et go allons finir ce calvaire.  Je suis totalement crevé, mais encore déterminé. Sur les 2 milles suivants, j'augmente un peu la portion course sur les intervalles marches, et je dépasse quelques groupes coureurs-accompagnateurs qui marchent.

Ces quatre derniers milles (7km) sont les plus longs: quand on veut arriver, quand on espère tellement la fin, que c'est presque terminé... on se sent galérer un peu plus.  Après la dernière table de ravitaillement (eau seulement), à 98 milles, Magali et moi prenons le sentier grimpant.  À un certain point dans la montée apparait le message du dernier mille!  La grimpe n'est toutefois pas finie.  Et puis le message du dernier demi-mille, soit 800m, l'équivalent de deux anneaux olympiques!  Mais il y a encore à grimper (!) et ce n'est que dans les derniers 200m qu'on sent enfin la descente finale.

L'arrivée approche avec les derniers lampions fluos au sol, et les clameurs des équipes qui attendent leurs coureurs.

Je franchis le porche d'arrivée à 1h22 exactement avec un grand cri de satisfaction, main dans la main avec Magali.  Quelle moment unique!  Mon épouse, mes parents et mon ami Michel m'accueillent et me félicitent.  Ici avec Michel et Magali, le rêve devient réalité:


Il fait froid, je ne peux rester longtemps comme cela.  J'engouffre un hamburger sous la tente, avec une bonne bière fraiche offerte par Louis hmmmm, on échange et on rit et puis c'est leur de se dire bonne nuit.  On se reverra dans quelques heures!

Ahhhh le retour au Bed & Breakfast de Carol vers 2h00 du matin me fait du bien.  Un petit bain chaud pour me décrasser et apaiser les jambes et les pieds, et puis un petit dodo de 4-5 heures bien mérité, avant le retour sur le site pour le traditionnel BBQ qui commence à 10h30!

Les battants qui arrivent en 27, 28, 29, 30 heures (la fermeture officielle de l'événement est à 10h du matin) n'ont même pas eu le temps d'aller se coucher avant le BBQ et la cérémonie!  Chapeau bas à ces persévérants extrêmes, qui sont encore bien plus crevés que moi -- et avec raison.

Le BBQ est excellent, la bière est bonne (Samuel Adams, ahhh).  Je retrouve tous les amis québécois qui ont chacun une bonne histoire à compter et je reçois avec fierté ma 'belt buckle' des mains de l'organisatrice Julia, celle qui est remise aux coureurs ayant complété la distance en moins de 24 heures.  Amusant de voir tous les finissants marcher les jambes raides, sous la tente.  À 13h30, chacun repart de son côté.


Le retour se passe sans histoire, avec ma blonde qui conduit, et moi... dans les limbes.  J'ai heureusement prévu le lendemain (lundi) de congé avant de retourner au boulot.

Épilogue

Dans les 48 heures suivant mon arrivée, je me dis que c'est fou d'avoir autant de difficulté à marcher, monter et descendre les escaliers, alors que j'y arrivais assez aisément jusque dans les derniers instants de la course, avec toutes ces grosses côtes.  Comme quoi... nous pouvons nous auto-programmer à rencontrer un objectif important dans la douleur, et garder celle-ci de côté; et puis une fois l'objectif atteint, le mental laisse les messages du corps fatigué reprendre le dessus.  C'est le mécanisme de la survie, quoi!

C'est aussi la première fois que je ressens l'effort de reconstruction de mon corps avec une telle ampleur.  C'est en même temps rassurant de sentir sa résilience, sa capacité à revenir.  Mes quadriceps, les muscles de mes pieds, et mes orteils assommés sont les plus douloureux, mais ils reviennent graduellement à la normale dans les jours suivants.

Après 48 heures, je pense déjà à mes prochaines rencontres ultra.  À la suggestion de Pat, je me suis inscrit au Bear Mountain 50 de mai 2013, dont le niveau de difficulté sera assurément 'relevé'.  Patrick, lui, essaie même de me convaincre de faire un 50 ou un 100 milles encore cet automne, mais je doute que je sois prêt à faire cet investissement si vite.   Par contre, chose certaine: dès que les inscriptions du VT100 de 2013 s'ouvriront... j'embarquerai de nouveau!  Quand j'aime une fois...

À bientôt pour mes prochaines aventures.

P.S Allez aussi lire le récit de Pat, excellent et bourré de bonnes photos!  Il a livré une performance qui m'inspire, en particulier dans les derniers 30 milles, pour terminer en 20h08.  Colossal.  Également, le récit de Michel, qui a réussit à terminer juste sous les 24 heures, et qui le raconte très bien.
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Bons points à répéter:
- La crème NOK, que je m'étais religieusement appliqué tous les soirs pendant les 2 semaines avant la course, m'a certainement aidé à éviter les ampoules aux pieds.
- Les longues courses de sentier avec de bons dénivelés, pratiquées dans les trois mois précédent l'ultra: elles sont importantes.
- Trouver le juste milieu dans le volume d'entrainement: suffisamment pour préparer son corps, et pas trop pour ne pas se blesser inutilement.

Leçons apprises, 'terre à terre':
- porter des guêtres pour empêcher la poussière des chemins et sentiers de rentrer dans les chaussures et chaussettes, et mieux protéger les pieds;
- porter des shorts moulants confortables pour toute la course, et appliquer beaucoup de vaseline, pour éliminer les risques de frottements à l'aine et aux fesses;
- porter des chaussures plus amples, 1 pointure trop grande, vu que les pieds enflent dans l'endurance et les orteils ont besoin d'espace pour ne pas cogner l'avant de la chaussure (il faut toutefois savoir serrer les lacets pour une bonne prise aux chevilles sans étouffer le pied)
- s'assurer d'avoir les aliments qui conviennent aux ravitaillements, en particulier les fruits. Continuer à explorer pour trouver des aliments nutritifs, efficaces rapidement, faciles à ingérer et à digérer.  L'alimentation en course, c'est très personnel et ça demande des essais et erreurs!

Détails chiffrés
299 coureurs partants, 218 finissants.  Je suis arrivé 52ième au général et 18ième sur 64 dans le groupe des hommes de 40 à 49 ans.  Résultats complets.

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